L'amour est-il un sujet philosophique ?
L’amour est-il un sujet philosophique ?
Aimer quelqu'un, son homme, sa femme, son enfant : quoi de plus banal ? Aimer la terre entière, tous les hommes, l’humanité et même la planète : quoi de plus ambitieux ? Quelle relation existe-t-il entre l’amour des proches et l’amour universel ? Ce sont sans doute là des questions essentielles. L'expérience d'aimer demeure pleine de richesses spirituelles souvent inexploitées. Pourtant, on est frappé par la grande pauvreté dans notre manière de parler de l’amour et de le vivre. L’amour est vulgarisé à l'extrême par la télévision et les revues, notamment les revues d’adolescent. L’expérience d’aimer est entravée par nos émotions spontanées, par les obstacles ancrés dans notre caractère, par les difficultés psychologiques que nous rencontrons. Mais qui peut prétendre s’y connaître pour de vrai en amour ? Aujourd’hui, on se tourne souvent vers la psychanalyse. Il est sûr qu’on y trouve des éclairages décisifs sur l’amour. Mais cela ne signifie pas que la psychanalyse détient le fin mot sur l’amour. Celui-ci a été le grand sujet de la religion, de la mystique particulièrement. Et l’amour, c’est un sujet majeur de la philosophie depuis sa naissance chez Platon. Chaque adolescent, chaque adulte est pris dans une problématique amoureuse particulière, qui est la sienne. Où aller chercher les éclaircissements nécessaires pour nous y retrouver dans nos problématiques amoureuses ?
L’amour selon la psychanalyse
Freud définit la normalité amoureuse comme cet attachement qui lie les partenaires en vue de la satisfaction sexuelle mutuelle dans un climat de tendresse. Il reproche à la littérature de s’arrêter avec complaisance sur des cas où « l'homme témoigne de penchants romanesques envers des femmes tenues en haute estime, qui pourtant ne l'incite pas au commerce amoureux, et (où) il n'est puissant qu'avec d'autres femmes qu'il n'aime pas, qu'il estime peu ou même qu'il méprise ».
L’amour selon la religion
Le christianisme donne à l’amour une place encore plus grande que les autres religions. Il cherche à élever l’amour naturel en un amour supérieur, universel, désintéressé. C’est ainsi que le pape peut écrire : « Il devient évident que l’éros a besoin de discipline, de purification, pour donner à l’homme non pas le plaisir d’un instant, mais un certain avant-goût du sommet de l’existence, de la béatitude vers laquelle tend tout notre être ».
L’amour selon la philosophie
Il y a sans doute plusieurs philosophies de l’amour mais, entre toutes, la première et aussi la plus aboutie est celle de Platon. Elle propose un cheminement vers l’amour sublime qui peut se définir comme l’union de deux âmes dans l’élévation spirituelle. L’amour sublime n’est pas un amour qui modère le désir, un amour sage. Il peut être un amour passionné, plein d’élan. C’est un amour qui libère le désir. Mais ce désir ne se rapporte plus à la possession de l’autre et à la jouissance des corps. C’est un désir qui cherche, au-delà de l’autre, la connaissance, la contemplation, l’épanouissement de la vie spirituelle. L’autre n’existe plus pour lui-même, mais comme inspirateur de beaux gestes et de belles paroles, comme éveilleur de l’âme endormie, comme accoucheur de l’être intérieur qui sommeillait en l’autre. L’amour sublime fait exister le couple mais il n’enferme pas dans le couple. C’est bien ensemble et unis que les amants parviennent à s’oublier eux-mêmes au profit d’un commun cheminement. L’amour sublime cherche au-delà de la personne et dépersonnalise. Il comporte une part de mystère qui conduit Platon à y voir une inspiration venue d’ailleurs, un signe divin.